Nolwen Berthier, grimpeuse française et ambassadrice Patagonia

Il y a quelques temps, nous avons eu la chance et le plaisir d’échanger avec Nolwen Berthier. Passionnée par l’escalade depuis sa jeunesse, Nolwen est devenue aujourd’hui grimpeuse professionnelle. Riche de son parcours, Nolwen est une personne très inspirante et nous étions ravie de pouvoir passer ce moment ensemble pour notre premier entretien Grimpeez ! Nous espérons que cette retranscription sera à la hauteur du contenu.

Pour contextualiser l’entretien, l’idée de cet interview était de mettre en lumière un croisement entre l’escalade et l’environnement. L’objectif : dresser le portrait de Nolwen Berthier, grimpeuse de haut niveau, en lien avec son statut d’ambassadrice Patagonia et ses engagements environnementaux afin d’apporter une vision nouvelle, bienveillante et éco-responsable en tant que pratiquante en milieu naturel.   

Mots clés : environnement, escalade, écologie, sport, engagement, nature. 

Interview

1 – Nolwen, peux-tu te présenter sur ton parcours de grimpeuse des débuts à aujourd’hui ? 

J’ai grandi à Lyon et j’ai commencé l’escalade à l’âge de 12 ans par à la compétition. En parallèle, j’ai fais des études d’ingénieure, en énergie et environnement à l’INSA Lyon, avec un parcours adapté pour les sportifs. Cet aménagement m’a permis de concilier étude et sport et ainsi faire partie de l’équipe de France Jeune, puis Réserve, puis Sénior, notamment en difficulté, mais j’ai aussi fais un tour en équipe de France de bloc.

Après mes études, j’ai effectué un stage de fin d’études à Aix-en-Provence en tant que responsable RSE. (Note de la rédaction : Le responsable RSE est chargé de développer, mettre en place et superviser la stratégie de Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE) dans une organisation privée ou publique)

En travaillant à Aix-en-Provence, j’ai eu la chance de pouvoir grimper en falaise plus régulièrement et de pouvoir m’investir dans des voies dures. Cependant, pour bien avancer, j’ai compris qu’il allait me falloir faire un choix. Avec l’arrivée du Covid, j’ai décidé de me concentrer uniquement sur l’escalade en falaise et de continuer à travailler à côté. J’ai donc abandonné la compétition.

Actuellement, je suis en période de transition. Je cherche à trouver un équilibre en me lançant en indépendante dans mon métier.

2 – Concernant ton statut d’ambassadrice, notamment de la marque Patagonia, peux-tu nous expliquer le processus qui t’a donné envie d’être ambassadrice et ce que signifie ce statut ? 

Collaborer avec Patagonia a été une étape clé pour me professionnaliser dans mon activité sportive. Il est important pour moi de travailler avec des personnes qui partagent mes valeurs environnementales et contribuent à ma vision du monde. Quand j’ai entrepris de chercher des sponsors, j’ai fais le choix de ne contacter que des marques que je serai fière de représenter. C’est notamment pour son engagement environnemental et sa capacité à explorer de nouvelles voies plus soutenables que j’ai sollicité Patagonia.

Et comment ça se passe ?

Je suis devenue membre de leur équipe l’année dernière. Je suis actuellement sous contrat en tant qu’un des 36 ambassadeur.ice.s Escalade dans le monde (dans le sens très large du terme, cela peut par exemple inclure l’alpinisme).

As-tu un rôle particulier ?

Notre rôle en tant qu’ambassadeur.ice est de représenter la marque, de faire des retours produits, de partager nos idées d’amélioration.

Plus généralement en tant qu’athlète, je suis convaincue que l’on a un rôle fondamental à jouer dans la transition environnementale. Nous avons une influence auprès de notre communauté et au-delà, à travers les récits que l’on raconte et les imaginaires que l’on contribue à construire. Nous pouvons inspirer les gens ou les sensibiliser aux enjeux environnementaux à travers nos prises de parole dans les média ou en public. Par ailleurs, en tant qu’athlètes internationaux, nous avons également une responsabilité d’exemplarité dans nos déplacements. Enfin, nous avons une relation privilégiée avec certaines marques pour, peut-être, influencer les pratiques de l’industrie de l’outdoor.

Omaha Beach, 8b+ (Red River Gorge)

3 – Comment est né ton engagement auprès de l’environnement ? Tu as notamment un projet, intitulé La Fresque du Climat, est-ce que tu peux nous en dire plus ?

Pour ma part, ce processus d’engagement s’est effectué progressivement, en particulier lorsque j’ai commencé à travailler en tant que responsable RSE. À ce moment-là, tous les enjeux sont devenus de plus en plus clairs pour moi. Aujourd’hui, j’ai vraiment envie d’utiliser tout ce que j’ai découvert dans mon milieu professionnel et de le transmettre à la communauté de l’escalade. J’aimerais que le monde de l’escalade s’embarque sur le chemin d’un futur soutenable et pourquoi pas être un maillon qui aide à ça.

La Fresque du Climat est un outil générique développé par Cédric Ringenbach. Il est parti du principe que c’est en comprenant bien les problèmes que l’on pourra trouver les meilleures solutions. Il voulait donc présenter les rapports du GIEC à ses étudiants, mais ceux-ci le trouvaient ennuyeux. Il a donc créé un outil ludique qui accélère le processus d’apprentissage des données scientifiques relatives au changement climatique : un jeu de cartes qui permet de comprendre les mécanismes du changement climatique, en partant des causes et en déroulant toutes les conséquences en chaîne pour arriver aux effets boule de neige du changement climatique.

L’atelier est divisé en plusieurs parties. La première partie consiste à comprendre les mécanismes physiques, suivie d’une partie de présentation des ordres de grandeur (quelle est l’ampleur des chantiers à mener ?). Enfin, la dernière partie, qui est la plus importante, porte sur les solutions. La Fresque du Climat Escalade que je propose se concentre en particulier sur ces deux dernières parties. Au lieu d’adopter un format généraliste qui s’appliquerait à tous les citoyens, nous nous penchons sur l’impact du changement climatique sur le sport et sur la responsabilité des sportifs dans le changement climatique (grimpeurs et entreprises de l’outdoor). L’objectif est ensuite de proposer des solutions activables. Les solutions peuvent être individuelles, collectives (dans des clubs, fédérations, associations) ou encore au niveau des entreprises (marques, salles d’escalade, médias).

Comment partages-tu cette Fresque ?

Sous forme d’un atelier collaboratif : les participants échangent entre eux pour comprendre le mécanisme et réaliser ensemble la fresque. Mon rôle est celui d’animatrice, mais je peux bien sur apporter des compléments d’informations si besoin. J’ai par exemple collaboré Block’Out Vitrolles et le CAF de St Gaudens (près de Toulouse) : ces structures ont exprimé leur intérêt pour l’organisation de la Fresque et nous avons fixé une demi-journée pour animer cet atelier au sein de leur communauté.

4 – En 2022 tu as réalisé quelques projets, peux-tu nous en parler ? Ainsi que tes futurs projets 2023 ? 

En 2022, mes principales performances en escalade ça a été Supercrackinette (9a+) et Omaha Beach (8b+) à vue, ça c’est pour la rétrospective escalade.

Omaha Beach, 8b+ (Red River Gorge)

Dans les projets en cours et à venir qui combinent l’environnement et l’escalade, il y a un voyage en Turquie en train, suivant le trajet de l’Orient Express (qui n’existe plus, mais on peut toujours relier Paris à Istanbul !). Le but de ce voyage est de réfléchir à des moyens de se déplacer de manière plus respectueux de l’environnement tout en réinventant le lien entre voyage, aventure et performance. En prenant notre temps, nous pouvons découvrir de nouvelles cultures, faire des rencontres. Et au final, les plus beaux souvenirs, ce sont peut être toutes les petites galères que l’on rencontre en chemin!

Info rédaction :  A la sortie de l’article, Nolwen a déjà réalisé son projet de voyage responsable mêlant escalade et environnement en avril 2023. Vous pouvez retrouver toutes les informations sur son compte Instagram (cf fin de page).

Je participe également à l’organisation du El Capp Fest, premier festival Escalade et Transition(s), qui se tiendra aux Cabanes Urbaines à La Rochelle. L’intention est de rassembler la communauté de l’escalade autour d’un rêve : celui d’un futur vivant et épanouissant et d’inspirer sur les moyens pour y parvenir. Cette compétition d’escalade explorera comment concilier notre activité avec les enjeux de demain. Ce sera la première compétition mixte internationale d’escalade, où hommes et femmes grimperont sur les mêmes blocs en finale ! Par ailleurs, nous avons conscience que l’organisation d’un tel événement peut avoir un impact environnemental important, notamment en raison des déplacements des spectateurs et des compétiteurs. C’est pourquoi nous avons lancé un défi environnemental, l’Ecopoint Challenge, invitant tous les participants à adopter des modes de transport décarbonés (et loufoques!). En parallèle, il y aura des conférences et tables rondes avec des expert.e.s inspirant.e.s, un village d’initiatives concrètes et engagées, ainsi que des concerts organisés par Les Francofolies.

Info rédaction : Les dates du festival : du 28 septembre au 1er octobre 2023, appelé « El Capp Fest », toutes les infos : ici.

5 – Quel(s) conseil(s) donnerais-tu à un grimpeur qui souhaiterait agir à son échelle pour l’environnement, dans sa pratique de l’escalade ?

Je pense que la clé réside dans le fait de se poser des questions, d’être curieux et d’essayer de comprendre au mieux l’environnement dans lequel on évolue, car plus on le comprendra et plus on l’appréciera, plus on aura envie de le protéger. Je n’ai pas de conseils spécifiques à donner en disant qu’il faut faire cela ou cela, car je crois que chacun a les réponses en fonction de son contexte. Cependant, je pense que cette curiosité et cette recherche de compréhension peut amener chacun de nous dans la bonne direction. Cela nécessitera des changements importants et ambitieux, mais il y a déjà plein de gens qui agissent sur ces sujets, donc il ne faut surtout pas se sentir seul. En regardant autour de nous, nous pouvons trouver plein de projets qui sont déjà engagés et qui ont besoin d’aide. Il y a déjà plein de gens en marche et nous pouvons les rejoindre !

6 – Question signature de la rédaction : que représente pour toi l’escalade ?

C’est pour moi un moyen d’expression.

7 – Pour terminer, aurais-tu des recommandations de lectures / films / personnes qui t’on inspirés ?

Mes recommandations de lectures : 
La BD « Le monde sans fin » de JM Jancovici.

Le livre « Activez vos talents, ils peuvent changer le monde » de Matthieu Dardaillon (Ticket for Change).

Fin de l’interview.

Nous remercions Nolwen pour cet échange. Pour suivre les activités de Nolwen Berthier, nous vous invitons à la suivre sur son compte instagram @nolwenberthier .

Photos : Photographies appartenant à Nolwen Berthier.

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